La Franc-Maçonnerie

Je cite ma source en début de sujet : Le crapouillot réédité en 1980

Avant-propos

A la demande de nombreux lecteurs qui n’avaient pu se procurer ce numéro du « Crapouillot » paru pendant l’hiver 1976 et très rapidement épuisé, nous le rééditons aujourd’hui. C’est que la Franc-Maçonnerie continue de susciter un vif intérêt dans le public, soucieux de connaître la vérité sur cette confrérie qui entretint si longtemps le mystère sur ses rites et ses objectifs et dont l’existence a soulevé maintes polémiques en France jusqu’à ces dernières années.
Ainsi, il y a quelques semaines encore, le 1er décembre 1980, M. Michel de Just, qui à succédé à Me Richard Dupuy comme grand-maître de la Grande Loge de France, évoquait sur FR3, l’excommunication des francs-maçons par l’Eglise catholique ; « Aucun des membres de la Grande Loge de France « au caractère apolitique et spirituel » ne tombe sous cette condamnation, affirmait le grand-maître, puisque l’excommunication ne vise que ceux qui entrent dans une société secrète ayant pour but la destruction de l’Eglise catholique. » Il faudra pourtant attendre la révision – proche de son terme, assure Radio-Vatican – du droit canon, et en particulier de son article 2335, pour que se confirme ce revirement capital de Rome à l’égard de la Maçonnerie.
Ce seul exemple suffirait à montrer que bien des controverses et des malentendus persistent aujourd’hui encore sur le rôle et l’influence des frères « trois points »
Triant les sources et confrontant les faits, Le Crapouillot tente donc ici de présenter objectivement l’histoire et la situation actuelle de la Maçonnerie française. Voici les structures qui la régissent, les questions qui l’agitent, les antagonismes qui la divisent ; les objectifs qui la rapprochent. Nous n’avons voulu favoriser aucun courant, aucune tendance, ni prendre en considération les préséances que s’arrogent certaines obédiences. L’information ne connaît pas ce genre de hiérarchie.
Dernier point : pour la commodité de la lecture, plutôt que de truffer les pages de rappels et de notes explicatives, nous avons préféré placer à la fin du numéro un petit lexique maçonnique. Le « profane » pourra s’y reporter chaque fois qu’il souhaitera expliciter un terme dont le sens lui  échappe.



La Franc-Maçonnerie, qui compte aujourd’hui une dizaine de millions d’adeptes dans le monde, rassemble en France un peu moins de soixante mille « frères » et « sœurs ». Les maçons français expliquent la modicité de ce nombre par le fait que, dans l’Hexagone, les modalités de recrutement sont plus rigoureuses qu’ailleurs.

Autre particularité : en France, la Maçonnerie est divisée administrativement en plusieurs obédiences. Pour certains « frères » cette pluralité permet à chaque obédience de définir sa propre voie du point de vue philosophique, religieux, politique et offre ainsi un plus grand choix au candidat profane. Pour d’autres, cette multiplicité diminue l’influence de l’Ordre et constitue, face au monde profane, un attristant spectacle de divisions, alors que, par nature, la Maçonnerie est faite pour unir.
Bien que tirant leur origine d’un même tronc initiatique commun et bien qu’utilisant à peu près les mêmes outils, les mêmes rituels symboliques, les mêmes tabliers et les mêmes cordons – mais de couleur différente -, chacune des obédiences maçonniques françaises possède sa propre identité et ses moyens caractéristiques de travail et d’action vers l’extérieur.



LE GRAND ORIENT DE FRANCE

16, rue Cadet Paris IXe

Par le nombre élevé de ses membres (environ vingt-cinq mille) répartis dans quatre cent cinquante loges, on considère  que le Grand Orient de France est la plus importante obédience maçonnique française.
Siégeant dans une grande construction moderne et confortable située tout près des grands boulevards, elle prétend être, avec son récent bicentenaire, la plus ancienne de toutes les organisations maçonniques actuellement en activité sur le territoire national.
Composé de plus de cent cinquante immeubles gérés par des associations ou des sociétés locales, le patrimoine immobilier du Grand Orient de France peut être estimé à une somme dépassant largement les cent millions de francs lourds.
Dans ses statuts actuellement en vigueurs, le Grand Orient de France, qui tire ses origines des Constitutions d’Anderson, rédigées en Angleterre en 1723, se définit de la manière suivante.

ARTICLE PREMIER : La Franc-Maçonnerie, association essentiellement philanthropique, philosophique et progressive, a pour objet la recherche de la vérité, l’étude de la morale et la pratique de la solidarité ; elle travaille à l’amélioration matérielle et morale, au perfectionnement intellectuel et social de l’humanité.
Elle a pour principe la tolérance mutuelle, les respects des autres et de soi-même, la liberté absolue de conscience.
Considérant les conceptions métaphysiques comme étant du domaine exclusif de l’appréciation  individuelle de ses membres, elle se refuse à toute affirmation dogmatique.
Elle a pour devise : Liberté, Egalité, Fraternité.

Cette rédaction qui exclut toute référence à la notion spirituelle du Grand Architecte de l’Univers et aux autres « Lumières » du rituel maçonnique, résulte de la décision prise par un convent il y a presque cent  ans  (le 16 septembre 1877) Depuis lors, le Grand Orient de France a perdu sa »régularité » d’origine, puisque la Grande Loge Unie d’Angleterre ainsi que toutes les autres Grandes Loges anglo-saxonnes lui ont retiré leurs « reconnaissances » et ont interrompu toute correspondance avec lui.
Accusé par ses adversaires de pratiques athées et de visées politiques contraires à l’éthique symbolique et initiatique traditionnelle, le Grand Orient de France n’en poursuit pas moins son action et son recrutement selon ses conceptions idéologiques s’efforçant toutefois d’atténuer l’image qu’ont pu donner de lui certaines déclarations publiques trop fracassantes et une agitation de caractère quasi profane.
Rassemblant des hommes de toutes origines sociales,  possédant des temples dans toutes les grandes villes de France et des territoires d’Outre-mer, le Grand  Orient de France reste néanmoins la cible préférées des dirigeants de la déiste Franc-Maçonnerie anglo-saxonne, qui lui reprochent d’encourager et de maintenir un esprit trop rationaliste et trop politique dans les travaux  des loges.
Ayant conçu et lancé en 1961 un Centre de liaison des puissances maçonniques signataires de l’appel de Strasbourg (connu sous le sigle C.L.I.P.S.A.S. Le  Grand Orient entend marquer sa présence coopérative au-delà des frontières nationales et agir à l’extérieur avec la participation de plusieurs obédiences libérales d’Europe.


La grande loge de France

8, rue Puteaux-Paris XVIIe
Est installé dans un ancien couvent des Récollets

Dès le premier article de sa déclaration de principes, la Grande Loge de France affirme avec force qu’elle travaille à la gloire du Grand Architecte de l’Univers ».Conformément aux traditions de l’Ordre, elle ouvre ses travaux en présence des trois grandes « Lumières » - l’équerre, le compas et un livre de la Loi sacrée – qui doivent obligatoirement être placées sur l’autel des loges pratiquant le Rite Ecossais Ancien et Accepté.

Ne s’immisçant dans aucune controverse touchant directement aux domaines politique ou confessionnel, la Grande Loge de France admet toutefois, pour l’instruction des « frères », des exposés sur ces questions, à la condition qu’ils ne donnent jamais lieu ni à un vote ni à l’adoption de résolutions, lesquelles seraient susceptibles de contraindre les opinions ou les sentiments de certains « frères ».
Puissance maçonnique « indépendante et souveraine », pratiquant le Rite Ecossais Ancien et Accepté, la Grande Loge exerce sans partage sa juridiction sur les trois premiers grades de la Franc-Maçonnerie symbolique (apprentis, compagnons et maîtres maçons). Sa souveraineté repose sur le suffrage universel des maîtres maçons régulièrement réunis en loge et de leurs quatre cents députés présents annuellement au convent.
Ayant été primitivement totalement dépendante du Suprême Conseil de France, sous la dénomination de Grande Loge Symbolique Ecossaise, l’actuelle Grande Loge de France a acquis son autonomie en 1894. Ses membres portent depuis 1965 le titre de « francs-maçons anciens et acceptés du Rite Ecossais. »
Réunissant environ treize mille membres actifs, qui travaillent dans deux cent quatre-vingt-dix-huit loges, la Grande Loge occupe la deuxième place parmi les grandes obédiences maçonniques françaises.
Son siège social est un important édifice du quartier des Batignolles, ayant jadis appartenu à une communauté religieuse. Il abrite une impressionnante chapelle de style néo-roman, avec de magnifiques vitraux, ainsi que plusieurs temples rénovés, dont le plus grand porte le nom du président Franklin Roosevelt et fut inauguré après la dernière guerre en présence de la veuve de ce « frère » américain.
Non seulement la Grande loge est propriétaire de cet immeuble, mais elle possède ses propres temples sur l’ensemble du territoire national et dans les départements d’outre-mer, où ses loges sont solidement implantées.

Entretenant des relations d’amitié avec un grand nombre de puissances maçonniques européennes et d’Amérique latine, la Grande Loge de France vient même d’être désignée  comme membre correspondant en Europe de la Conférence maçonnique interaméricaine.


III  La Grande Loge Nationale Française

65, boulevard Bineau Neuilly-sur-Seine

Possédant une Règle en douze points, qu’elle conserve et applique religieusement, la Grande Loge Nationale Française est une obédience qui se déclare ouvertement déiste.
Parmi toutes les puissances maçonniques existant en France, elle est la seule à avoir le privilège de bénéficier de la « reconnaissance » de la Grande Loge d’Angleterre.
Cela lui permet de se considérer officiellement comme la seule institution maçonnique valablement régulière en France.
Pour mieux comprendre les raisons de cette reconnaissance, voici quelques-uns des articles de la fameuse Règle en douze points :
1 -  La Franc-Maçonnerie est une fraternité initiatique qui a pour fondement traditionnel LA FOI EN DIEU, Grand Architecte de l’Univers
..................................................................................
6 – La Franc-Maçonnerie impose à tous ses membres le respect des opinions et croyances de quiconque. Elle leur interdit en son sein toute discussion ou controverse politique ou religieuse. Elle est ainsi un centre permanent d’Union fraternelle où règnent une compréhension tolérante er une fructueuse harmonie entre des hommes qui, sans elle, seraient restés étrangers les uns aux autres.

7 – Les Francs-Maçons prennent leurs obligations sur un volume de la Sainte Loi afin de donner au serment prêté sur lui le caractère solennel et sacré indispensable à sa pérennité.

            Fondée le  5 novembre 1913 par huit francs-maçons français, tous initiés au Grand Orient de France (sans la Règle en douze points), mais animés d’un esprit de rénovation maçonnique, elle porta d’abord le titre de  « Grande Loge Nationale Indépendante et Régulière pour la France et les Colonies françaises ». Quinze jours après sa constitution, elle obtenait de Londres la précieuse patente, signe de la reconnaissance officielle de la Grande Loge Unie d’Angleterre. Elle devenait ainsi l’unique puissance maçonnique française reconnue par toutes les Grandes Loges du globe qui se trouvent en correspondance régulière avec la Grande  Loge-Mère anglaise.
Changeant de titre au mois d’octobre 1948 pour prendre sa dénomination actuelle de « Grande Loge Nationale Française », elle fusionna dix ans après, au mois de novembre 1958, avec la Grande Loge du Rite Rectifié et fit poser, en juin 1964, la première pierre de son nouveau temple de Neuilly, en présence du respectable frère Lemnitzer, à l’époque général en chef de l’O.T.A.N.
Trois années plus tard, le 9 juin 1967, ce nouvel hôtel particulier était inauguré au cours d’une imposante cérémonie à laquelle assistaient  l’Honorable Lord Earl of Scarbrough, Grand Maître de la Grande Loge Unie d’Angleterre, ainsi que de nombreuses délégations de la Franc-Maçonnerie régulière.
Avec un effectif d’environ quatre mille sept cents membres pratiquant le Rite Ecossais Rectifié, le Rite Ecossais Ancien et Accepté, le rite Emulation et le Rite de Marques, la Grande Loge Nationale Français totalise cent soixante-dix loges, réparties en loges provinciales et loges de district. (Article, je le rappelle écrit en 1976, ces chiffres ont sûrement changés)
Son recrutement se fait surtout parmi des notables. Ceux-ci doivent obligatoirement adhérer aux principes fondamentaux des Landmarks (règles), que la Grande Loge Unie d’Angleterre considère comme intangibles et d’une stricte observance (précisons que le premier commandement de ces Landmarks est la croyance en Dieu)
Cette caractéristique dominante de la Grande Loge Nationale Française interdit à ses adeptes, sous peine de radiation immédiate, toute fréquentation des autres obédiences françaises, qu’elle se refuse obstinément à reconnaître.


IV La Grande Loge Nationale Française

(opéra)

Plusieurs notables de la Grande Loge Nationale Française (Bineau) supportant mal l’emprise que la puissante Loge-Mère anglaise entendait exercer sur eux en les isolant de leurs « frères » des autres obédiences françaises, décidèrent le 2 octobre 1958, de quitter Neuilly.
Par un manifeste qui fit beaucoup de bruit à l’époque, ils firent  connaître les motifs de cette séparation. C’est ainsi que prit naissance une nouvelle et deuxième Grande Loge Nationale Française, sous la dénomination complémentaire d’Opéra (lieu des réunions de son conseil).
Constatant que la Franc-Maçonnerie française souffrait des exclusives lancées au nom des sacro-saints Landmarks, la nouvelle obédience décida que la première des règles qu’elle nomma « le landmark des landmarks » devrait être : « Le maçon libre dans la loge libre »
Effectuant ses travaux sous l’invocation du Grand Architecte de l’Univers et en présence des trois grandes « Lumières » représentées par le volume de la Loi sacrée, l’équerre et le compas, la Grande Loge Nationale (Opéra) possède actuellement une quarantaine de Loges, regroupant environ huit cents initiés, lesquels se réunissent à Paris et en province dans les temples mis à leur disposition par la Grande Loge de France. Pratiquant habituellement le Rite Rectifié (avec adjonction du Rite Emulation) et traitant principalement de sujets spiritualistes, ces « frères » s’oppose à toute extériorisation, entendant exercer l’Art royal dans la plus parte discrétion maçonnique.
Symbolisant la véritable « régularité d’origine », selon ses fondateurs, la Grande Loge Nationale Française (Opéra) entretien des relations courtoises, comportant aussi le droit de visite inter-obédientielle, avec la Grande Loge de France et le Grand Orient de France.



V  L’ordre mixte français et International du Droit Humain

5 rue Jules Breton   Paris XIIIe

Affirmant l’égalité essentielle de l’homme et de la femme, et leur droit de bénéficier de la même façon de la justice sociale, le Droit Humain fit scandale lors de sa fondation, le 4 avril 1893, par la femme de lettres Maria Deraismes et son initiateur, le docteur Georges Martin.
Cette proclamation d’émancipation de la femme en vue de son introduction dans un temple maçonnique fut considérée à l’époque comme un véritable défi à la règle institutionnelle des Constitutions d’Anderson. Le troisième article de ces Constitutions contient en effet le Landmark suivant : « Les esclaves, les femmes, les gens immoraux ou déshonorés ne peuvent être admis, mais seulement les hommes de bonne réputation... »
C’est pourquoi l’idée de deux promoteurs du Droit Humain de réunir les hommes et les femmes dans le même temple provoqua tant de polémiques et de tensions au sein de la Maçonnerie. Finalement, le féminisme militant de Maria Deraismes, sa combativité et le bruit entretenu autour de l’affaire firent affluer els adhésions et assurèrent le succès de cette audacieuse entreprise. Ce style de maçonnerie mixte, dont l’existence date déjà de quatre-vingt ans, connaît toujours une vague certaine.
Siégeant dans un belle hôtel particulier de la rue Jules Breton –ancienne propriété personnelle du docteur Georges Martin, qui le légué à sa mort, en 1916 -, l’actuel Ordre Mixte Français et International du Droit Humain compte en France, une soixantaine de loges et plus de cinq mille membres, hommes et femmes.
Son rayonnement à l’étranger, dans quelques pays  d’Europe et surtout en Amérique latine, est d’une importance non négligeable.

V  L’ordre mixte français et International du Droit Humain

5 rue Jules Breton   Paris XIIIe

Affirmant l’égalité essentielle de l’homme et de la femme, et leur droit de bénéficier de la même façon de la justice sociale, le Droit Humain fit scandale lors de sa fondation, le 4 avril 1893, par la femme de lettres Maria Deraismes et son initiateur, le docteur Georges Martin.
Cette proclamation d’émancipation de la femme en vue de son introduction dans un temple maçonnique fut considérée à l’époque comme un véritable défi à la règle institutionnelle des Constitutions d’Anderson. Le troisième article de ces Constitutions contient en effet le Landmark suivant : « Les esclaves, les femmes, les gens immoraux ou déshonorés ne peuvent être admis, mais seulement les hommes de bonne réputation... »
C’est pourquoi l’idée de deux promoteurs du Droit Humain de réunir les hommes et les femmes dans le même temple provoqua tant de polémiques et de tensions au sein de la Maçonnerie. Finalement, le féminisme militant de Maria Deraismes, sa combativité et le bruit entretenu autour de l’affaire firent affluer els adhésions et assurèrent le succès de cette audacieuse entreprise. Ce style de maçonnerie mixte, dont l’existence date déjà de quatre-vingt ans, connaît toujours une vague certaine.
Siégeant dans un belle hôtel particulier de la rue Jules Breton –ancienne propriété personnelle du docteur Georges Martin, qui le légué à sa mort, en 1916 -, l’actuel Ordre Mixte Français et International du Droit Humain compte en France, une soixantaine de loges et plus de cinq mille membres, hommes et femmes.
Son rayonnement à l’étranger, dans quelques pays  d’Europe et surtout en Amérique latine, est d’une importance non négligeable.

Notons enfin, pour mémoire, qu’une dissidence s’est produite au sein de cet ordre mixte. Un groupe de quelques centaines de « frères » et de « sœurs » en désaccord avec la manière dont l’autorité s’exerçait au sommet ont quitté la rue Jules –Breton en 1973 pour aller s’installer aux alentours de la rue Cadet dans une nouvelle formation initiatique portant le titre de « Grande Loge Mixte Universelle ».

VI-  L’ordre Hermétique du rite Memphis-Misraïm

Fonctionnant discrètement sous une forme maçonnique internationale, l’organisation de Memphis-Misraïm pratique son propre Rite, qui constitue en quelque sorte une synthèse de plusieurs autres Rites hermétiques, alchimistes et philosophiques.
Cet ordre, qui fait état de plus de cinq mille adhérents dans le monde, est surtout répandu en Australie, à Haïti, en Argentine, en Bolivie, au Venezuela et, pour l’Europe, en France, en Belgique, en Suisse et aux pays –Bas.
En France, l’ordre compte une quinzaine de loges, où quelques centaines de membres pratiquent une forme spirituelle hautement ésotérique et occultiste.
Carrefour de savantes recherches, réunissant plusieurs adeptes spiritualistes appartenant aux hauts grades des autres obédiences maçonniques françaises et étrangères,  l’ordre du Rite Memphis-Misraïm reste fidèle à l’esprit de tolérance et de liberté de pensée qui en firent au XIXe siècle le refuge et la pépinière des carbonari.
Le 26 mars 1944, son Grand Maître pour la France, Constant Chevillon, fut assassiné par la police politique de Vichy. Vers la même époque, les nazis firent décapiter à la hache, dans la cour de la prison de Brunswick, pour faits de résistance, son Grand Maître pour la Belgique, André Delaive.

VII - La Grande Loge Féminine Française
71 bis, rue de la Condamine Paris XVIIe

Nous ne pouvons achever ce bref panorama des obédiences maçonniques françaises sans jeter un coup d’œil sur la Grande Loge Féminine Française.
Ce qui frappe en premier lieu le visiteur accueilli dans une loge féminine, c’est la discipline qui règne à l’intérieur du temple. Mes « sœurs », uniformément vêtues d’une robe de couleur sombre, s’adonnent aux travaux maçonniques avec beaucoup de rigueur et de méticulosité.
On s’aperçoit alors que la Maçonnerie féminine est une chose sérieuse.
Exclusivement réservée aux femmes (mais acceptant la présence à ses réunions, comme visiteurs, de « frères » ayant le grade de maître), la Grande Loge féminine Française est le prolongement historique des anciennes loges dites ‘d’adoption » créées jadis sous la tutelle de la Grande Loge de France et greffées à l’époque sur les loges masculines de celle-ci
Sa première Loge, « la Jérusalem Ecossaise », naquit en 1907 et fonctionna sous la surveillance du conseil fédéral de la puissance tutélaire. Mais, tenant compte de l’évolution de la condition de la femme dans la vie moderne, la Grande Loge de France, après une mise à l’épreuve qui dura plus de cinquante ans, favorisa l’autonomie des loges féminines. C’est en 1952 que la Grande Loge Féminine Française, ayant acquis sa totale indépendance, est devenue officiellement une puissance maçonnique souveraine. Depuis, de nombreuses femmes et filles de francs-maçons de toutes les obédiences reçoivent leur initiation au sein de cette Grande Loge.
De nos jours, on rencontre dans les loges féminines principalement des institutrices, des avocates, des doctoresses, des journalistes, des fonctionnaires, des femmes magistrats, mais aussi des employées et des ouvrières.
Comptant une soixantaine de loges, réparties sur l’ensemble du territoire (ainsi qu’en Belgique et en Suisse), la Grande Loge Féminine Française rassemble quelques deux mille deux cents maçonnes.

Précisons pour terminer, que toutes les obédiences ci-dessus énumérées sont déclarées à la préfecture de police de Paris en tant qu’associations se réclamant de la loi de 1901. En outre, leurs statuts, constitutions et règlements généraux ont été dûment déposés aux archives du ministère de l’Intérieur, ainsi que les noms de leurs dirigeants responsables. La Maçonnerie française n’est donc ni secrète ni illégale.

                                                                                  Jean Vitiano



VIII chapitre  II

Pour comprendre la situation actuelle

Petite histoire des obédiences

L’histoire des associations ouvrières initiatiques commence en Europe occidentale vers 790, lorsque des maçons romains débarquent en Angleterre pour édifier une cathédrale à Verulam, où on été découvertes les reliques de saint Alban. On assiste alors à la naissance de confréries secrètes. Les historiens en trouvent la première trace en 925, année où Edwin, fils adoptif du roi Athelstan, préside à York une assemblée de maçons. Edwin devient Grand Maître de la confrérie des maçons l’année suivante et fonde la première Grande Loge, dont l’autorité va bientôt être reconnue par toutes les loges de bâtisseurs établies en Angleterre.
Le document le plus ancien de l’histoire de la Franc-Maçonnerie est conservé dans  les archives de la Grande Loge d’York. Il s’agit de la copie manuscrite en langue anglo-saxonne d’un règlement qui fut adopté par l’assemblée des frères maçons en 926 et qui comprend seize commandements.
En 960, c’est l’archevêque de Cantorbéry qui succède à Edwin au poste de Grand Maître.
Après la terreur de l’an mille, le XIe siècle est marqué par un grand mouvement d’expansion du christianisme, expansion qui aboutira aux croisades. Les corporations italiennes de maçons fondent en 1040 une confrérie destinée à envoyer des architectes et des ouvriers dans les pays où les églises et les monastères manquent encore. La papauté s’intéresse à cette initiative : elle confirme à cette occasion tous les anciens privilèges des maçons et leur reconnaît le privilège de la construction des édifices religieux dans toute la chrétienté.  Les rois et les évêques sont désormais tenus de respecter leurs associations.
Partout les bâtisseurs étendent leur influence. En 1090, à Constantinople, se crée l’ordre des Frères d’Orient, émanation des communautés de maçons nés vers le IVe siècle. A l’aube du XIIe siècle, les maçons ont pris conscience de la place qu’ils occupent dans la société. S’ils en doutaient encore, les faveurs que leur accordent les souverains et les gouvernements suffiraient à les convaincre.
Dans toutes les régions où s’établissent des commanderies templières, des francs-métiers (c’est-à-dire des métiers dont les pratiquants jouissent d’un statut indépendant des juridictions seigneuriales et féodales, franc signifiant libre) font également leur apparition. Il ne s’agit pas là d’une simple coïncidence : les templiers ont rapporté de Byzance et des pays arabes le modèle de l’organisation des métiers en corporations franches.
Ainsi, à partir de 1150, on trouve en Ecosse une confrérie de maçons qui tient des assemblées à dates fixes à Kilwinning. Cette Grande Loge de Kilwinning va très vite disputer à la grande loge d’York l’autorité sur toutes les loges anglaises.
En 1275, l’assemblé des maçons de Strasbourg, que préside l’architecte en chef de la cathédrale, Erwin de Steinbach, décide de se transformer à son tour en Grande Loge. Des maîtres maçons viennent d’Angleterre et de Lombardie pour assister à l’assemblée constitutive. Dès l’année suivante, les ouvriers qui travaillent sur le chantier de la cathédrale se groupent en chambres, en ateliers et en loges ; ils adoptent des statuts dont le caractère démocratique est nouveau pour l’époque.



 En 1350, les trois loges de Londres, d’York et de Westminster, intente un procès à la couronne d’Angleterre pour obtenir le droit de siéger en permanence en tant que loges maçonniques à caractère spéculatif 1. Un manuscrit royal admet la légitimité de cette revendication. Les copies de ce manuscrit, nommées « Les Anciennes Obligations », inspireront plus tard, au début du XVIIIe siècle, les rédacteurs des Constitutions de la Franc-Maçonnerie.
En 1459, paraissent les Constitutions de Strasbourg, qui nous apprennent que les maîtres et les compagnons réunis à Strasbourg et à Ratibonne ont renouvelé et révisé les anciens usages. Ce texte ne laisse subsister aucun doute sur l’existence en Allemagne depuis au moins deux siècles de  loges opératives reconnaissant l’autorité des Grandes Loges. C’est Jobs Dotzinger, maitre d’œuvre de la Cathédrale de Strasbourg, qui a pris l’initiative de convoquer l’assemblée de Ratisbonne. Elle précise les attributions des quatre Grandes Loges de Cologne, de Strasbourg, de Vienne et de Berne.
En 1502, la Grande Loge de Berne, ayant terminé la construction de la cathédrale de cette ville, se transporte à Zurich. Elle a autorité sur toutes les loges de Suisse, mais elle n’hésite pas dans certains cas à consulter la confrérie de Strasbourg.
L’année 1598, voit paraître les premières règles pratiques édictées par les maîtres maçons réunis à Edimbourg, et dont le respect sera désormais obligatoire dans toutes les loges.
Il y est établi que les officiers des loges seront dorénavant élus.
De même sont clairement définie les conditions dans lesquelles devront être admis les apprentis.
Un peu plus tard, d’autres règles sont rédigées, qui précisent que la loge d’Edimbourg est la première loge d’Ecosse, la loge de Kilwinning la seconde, et la loge de Stirling la troisième.
L’un des documents les plus intéressants concernant la Maçonnerie acceptée, c’est-à-dire la Maçonnerie composée de maçons non opératifs, est certainement une minute de la loge d’Edimbourg datée du 8 juin 1600. Elle indique en effet la présence parmi les membres de la loge d’un bourgeois nommé John Boswell, propriétaire terrien.
Vers 1600, dans plusieurs villes, les maçons acceptés se séparent des opératifs pour témoigner envers les anciennes chartes d’une fidélité que les ouvriers bâtisseurs ne conservent pas toujours. Les rose-croix, les alchimistes, les kabbalistes, les hermétistes sont les premiers à entrer dans la Maçonnerie acceptée.



1 Par opposition aux loge à caractère opératif, c’est-à-dire où l’on ne se préoccupe que des affaires concernant le métier de bâtisseur. La Maçonnerie spéculative ou philosophique se soucie, elle, des meilleures voies pour parvenir à une société humaine plus harmonieuse.



X chapitre II


En 1640, des événements graves surviennent en Angleterre, qui vont avoir une grande influence sur le destin de la Franc-Maçonnerie universelle : la révolution chasse du pays la famille des Stuarts et met hors la loi la religion catholique. En 1649, Cromwell fait décapiter le roi Charles 1er. La reine Henriette de France, fille de Henri IV, se réfugie à Saint-Germain avec ses deux enfants. Elle est suivie par de nombreux gentilshommes écossais.
 Les catholiques qui appartiennent à des loges maçonniques participent aux complots contre Cromwell. En Angleterre, en Ecosse, en France, les stuartistes abritent leurs activités derrière le secret des loges. C’est autour du groupe d’exilés du château de Saint-Germain que va s’organiser la Franc-Maçonnerie française.
En 1660, le général Monck, maçon accepté dans la Grande Loge opérative d’Edimbourg, parvient à ramener Charles II sur le trône de son père. Mes stuartistes réfugiés en France s’empressent de retourner à Londres0 mais, en 1688, Jacques II, frère cadet de Charles II, doit reprendre avec sa cour le chemin de l’exil.
Alors que les stuartistes implantent à Saint-Germain une Maçonnerie d’esprit catholique, qui revendique la tradition templière, la Maçonnerie anglaise, sous le règne de Guillaume d’Orange, tend à oublier ses origines catholiques et à devenir protestante. Pendant plusieurs années, deux Maçonneries rivales vont ainsi cohabiter en France : la Maçonnerie catholique apportée par les stuartistes et une Maçonnerie protestante, que  l’on trouve dans les loges créées en France par les « frères » anglais.
Les premières loges ouvertes à Saint-Germain-en-Laye, à Arras, à Dunkerque et à Toulouse sont des loges de tradition jacobite²
En 1717, les quatre loges de Londres s’érigent en Grande Loge à l’initiative du pasteur Désaguliers, originaire de La Rochelle mais émigré en Angleterre. Tout de suite, la Grand Loge de Londres invente la notion de « régularité » et décide qu’elle aura le privilège de décréter qui, en Maçonnerie est régulier, et qui ne l’est pas. Cette prétention, que refusent toujours d’admettre un certain nombre d’obédiences est encore de nos jours l’obstacle majeur à l’unité universelle de l’Ordre maçonnique.
La première tâche des pasteurs Désaguliers et Anderson consiste à supprimer des archives maçonniques tous les documents qui établissent les origines catholiques de l’Ordre. Mais l’autorité de la Grande Loge de Londres est bientôt contestée par de nombreuses loges anglaises. Les partisans de la tradition érigent une Grande Loge des « Antients », qui, pendant plusieurs années va s’opposer à la Grand Loge des « Moderns ».
En 1723, la Grande Loge de Londres adopte les Constitutions d’Anderson (codification et remaniement des anciens règlements de la Maçonnerie opérative par le pasteur franc-maçon Anderson), qui vont devenir la loi de la Maçonnerie universelle –bien que l’interprétation de certaines formules qui figurent dans ces Constitutions provoque encore aujourd’hui des controverses sans issue entre les obédiences anglo-saxonnes et les autres


2 Jacobite : partisan de Jacques II Stuart



XI La Maçonnerie française s’émancipe ...et se dispute


A partir de 1735, commence à circuler sous le manteau parmi les premiers francs-maçons français le Discours rédigé par le chevalier de Ramsay, un jeune aristocrate que Fénelon a converti au catholicisme. Dans ce texte, Ramsay proclame pour la première fois le caractère universel de l’ordre maçonnique, dénonce le patriotisme agressif et célèbre l’amour de l’humanité. Il se pose en précurseur des Encyclopédistes en demandant à tous les francs-maçons de s’unir pour rassembler les matériaux d’un dictionnaire universel des arts libéraux et des arts utiles, n’exceptant que la théologie et la politique. En fait, il jette ainsi les bases de l’Ecossisme, c’est-à-dire de la Maçonnerie des hauts grades, inspirée non plus de la tradition des maçons opératifs mais de celles des ordres chevaleresques.
Le premier Grand Maître de la Société des francs-maçons  dans le royaume de France est James Hector Mac-leane, chevalier baronet d’Ecosse. En 1736, c’est le catholique stuartiste Derwentwater, pair d’Angleterre, qui lui succède. Quand ce dernier rentre dans son pays pour reprendre la lutte contre la dynastie des Hanovre, c’est un prince français du sang, Louis de Pardaillan de Gondrin, Duc d’Antin, qui devient, le 24 juin 1738, Grand Maître général et perpétuel des maçons dans le royaume de France. Avec lui, la jeune Maçonnerie française s’émancipe de la tutelle de la Grande Loge d’Angleterre.
A sa mort en 1743, seize vénérables convoquent une assemblée, qui prend le titre de Grande Loge Anglaise de France et qui désigne comme nouveau Grand Maître, Louis de Bourbon-Condé, comte de Clermont.
En 1761, un conflit éclate au sein de la Maçonnerie française. Un tel état d’anarchie règne dans l’obédience que le comte de Clermont doit retirer au maître à danser Lacorne l’office de substitut du Grand Maître pour l’attribuer au magistrat Chaillon de Jonville. Mais les partisans de Lacorne refusent de s’incliner. En 1765, ils vont même jusqu’à forcer la porte du temple où les dignitaires célèbrent la fête solsticiale d’hiver. On en arrive aux coups ; on s’arrache les tabliers, les cordons, les sautoirs, les perruques... la police doit intervenir pour rétablir l’ordre.
 A la suite de cet incident, les vénérables des plus vieilles loges parisiennes sont radiés de l’Ordre. Comme le « frère » Labady veut constituer une nouvelle obédience avec les exclus, qu’il réunit chez lui, il est arrêté et mis en résidence surveillée à Blois. Le lieutenant de police Sartine finit par interdire toutes les réunions de loges. Celles qui poursuivent malgré tout leurs activités vont travailler pendant quatre ans sans avoir entre elles aucune relation obédientielle.
 Le comte de Clermont meurt le 16 juin 1771. Cinq jours plus tard, le réveil de la Grande Loge est décidé. Le duc de Chartres est élevé à la Grande Maîtrise avec comme substitut Général le duc de Montmorency-Luxembourg. Les dissidents sont réintégrés dans les dignités les plus hautes. En fait, sous la Grande Maîtrise du duc de Chartres, le futur Philippe Egalité, l’autorité réelle est détenue par le duc de Luxembourg, qui prend vite le titre d’administrateur Général.
            Une vingtaine de maîtres de loges parisiennes vont alors, avec le souci de réorganiser sérieusement l’Ordre maçonnique en France, prendre des initiatives qui vont aboutir en 1773 à la création du Grand Orient de France. Mais tous les francs-maçons n’accepteront pas l’autorité de cette nouvelle obédience ; les réfractaires prétendront continuer en dehors d’elle l’ancienne Grande Loge de France.



XII Cette division a dans l’histoire maçonnique une importance considérable.


En effet, le Grand Orient fondera toujours sa légitimité en proclamant qu’il est l’héritier direct de l’ancienne Grande Loge de France. En revanche, les adversaires de cette thèse ne cesseront de soutenir que le Grand Orient a été  en 1773, une obédience nouvelle, la Grande Loge s’étant prolongée sans interruption depuis sa création. (En célébrant avec solennité en 1973 le deuxième centenaire de sa fondation, le Grand Orient de France donnera l’impression d’apporter de l’eau au moulin de ses adversaires).
A partir de 1773, il existe donc en France deux obédiences, tantôt rivale, tantôt alliées, qui prétendent chacune détenir en exclusivité la régularité maçonnique. Cette situation va fatalement creusé le fossé et exacerber les particularismes.
C’est en 1782 qu’apparait la coutume de placer dans le temple maçonnique une Bible ouverte au chapitre de saint Jean.
Avec la Révolution de 1789, on va assister à la politisation de nombreuses loges. Dans un ouvrage intitulé la Franc-Maçonnerie dans la Loire-Inférieure, que préfaça le Grand  Maître Dumesnil de Gramont, M. Henri Librec a résumé en un tableau fort significatif ce que fut l’évolution de la Maçonnerie nantaise. Cette évolution peut être rapprochée de celle de nombreuses loges d’autres régions.

1789 : la Franc-Maçonnerie se place à la tête de la bourgeoisie libérale et réformatrice.
1790-1793 : elle est influencée par les idées girondines.
1794-1795 : elle s’oppose à la dictature de la Montagne
1795-1815 : elle est républicaine
1815-1830 : elle est républicaine, mais elle se rallie au dernier essai de monarchie constitutionnelle pour faire échec aux idées de dictature.
1832-1848 : elle est de nouveau républicaine
Pourtant la Révolution a bien failli tuer la Maçonnerie française. En 1791, la Grande Loge de France cesse ses travaux. Le Grand Orient fait de même en 1793. Certains temples maçonniques sont envahis et pillés par la foule. Des dignitaires sont jetés en prison.
Le 22 février 1793, le duc d’Orléans, Grand Maître en exercice renie publiquement la Maçonnerie dans une lettre adressée au journaliste Milscent. Le 13 mai suivant, une assemblée générale extraordinaire du Grand Orient prend connaissance de sa lettre de démission. Le président de la séance saisit alors l’épée du Grand Maître indigne, la brise sur ses genoux et en lance les morceaux dans l’assistance.
Le Grand Orient ne reprendra ses activités qu’en décembre 1795, après la fin de la Terreur. La Grande Loge suivra le 17 octobre 1796.
De 1797 à 1799, les deux obédiences mènent des négociations en vue de reconstituer l’unité de la Maçonnerie française. Elles finissent par aboutir : les différentes loges fusionnent au sein du Grand Orient. Mais cette unité ne dure que cinq ans. En 1804, en effet, le comte de Grasse-Tilly, de retour d’Amérique, crée la Grande Loge Générale Ecossaise de France et le Suprême Conseil, chargé de géré les hauts grades de cette obédience.


XIII Le Grand Orient négocie immédiatement un concordat avec cette nouvelle puissance maçonnique. C’est ce concordat  qui permettra par la suite au Grand Orient de prétendre que l’administration du Rite Ecossais Ancien et Accepté lui est acquise de plein droit. Or l’accord de 1805 stipule clairement que les deux puissance se partageront désormais la gestion de la Maçonnerie française ; la première – le Grand Orient de France – s’occupera des ateliers du 1er au 18e degré ; la seconde – le Suprême Conseil de France – exercera sa juridiction sur les ateliers du 19e au 33e degré.

On polémique encore aujourd’hui entre les historiens maçons pour savoir qui, du Suprême Conseil ou du Grand Orient, a trahi le premier ce concordat. Or on peut dire qu’ils l’ont violé tous les deux. Très vite le Suprême Conseil a eu des loges bleues (loges travaillant aux trois premiers degrés) sus sa tutelle ; très vite le Grand Orient a cherché à asseoir son autorité sur les hauts grades.
Le Grand Orient crée même un Grand Consistoire des Rites, dont il offre la présidence au « frère » Hacquet. Le concordat est alors dénoncé et la Grande Loge Générale Ecossaise est rétablie à l’issue d’une réunion des dignitaires du Rite Ecossais tenue le 6 septembre 1805 au domicile du maréchal Kellermann. Cambacérès succède à Grasse-Tilly dans la charge de Grand Commandeur du Suprême Conseil.
En conséquence, les loges bleues écossaises gérées jusqu’alors par le Grand Orient reviennent dans l’obédience du Suprême Conseil. Parmi elles se trouvent les plus anciennes des loges qui appartiennent aujourd’hui à la Grande Loge de France : « les Trinitaires », « le Mont Sinaï », «  la France Equinoxiale », « la Jérusalem Ecossaise », « la Justice », « l’Union des Peuples », « les Cœurs Unis Indivisibles », « Cosmos ».

XIV L’impossible réunification des « frères » ennemis


Après la chute de Napoléon, en 1814, le Suprême Conseil se disperse. Plusieurs dignitaires, parmi lesquels le maréchal de Beurnonville, le duc de Tarente et le comte rampon, s’emploient alors à ramener les loges écossaises au Grand Orient, ruptures, anathèmes se succèdent.
Le 31 mai 1819, prenant acte d’un nouveau conflit qui l’oppose au « frère » Grasse-Tilly, le Grand Orient de France décide unilatéralement de déclarer irrégulières toutes les autres puissances maçonniques. C’est l’excommunication lancée sur le plan maçonnique contre tous les « frères » qui n’appartiennent pas aux loges du Grand Orient
En 1822, la loge de « la Grande Commanderie », installée l’année précédente par le Suprême Conseil, devient la Grande Loge Centrale chargée de regrouper les loges écossaises qui refusent l’autorité du Grand Orient.
En 1827, une nouvelle négociation est engagée en vue de refaire l’unité de la Maçonnerie française. Une commission est nommée, dans laquelle siègent des délégués du Suprême Conseil et des représentants du Grand Orient. C’est un nouvel échec. Le beau rêve unitaire ne se réalise pas plus cette année-là qu’il n’a pu le faire en 1819, qu’il ne pourra le faire en 1835 ni en 1841.
Le 19 octobre 1840, le Grand Orient adresse une circulaire à toutes ses loges pour leur faire savoir qu’il ne reconnaît pas l’autorité du Suprême Conseil. Il spécifie que ses membres doivent désormais s’abstenir de visiter les ateliers relevant de la puissance maçonnique contestée. Une nouvelle négociation –une de plus !- s’engage alors en vue de revenir à l’accord de 1805, mais le projet de concordat n’est pas ratifié. Le Grand Orient fait cependant un effort pour décrisper la situation : il rétablit le droit de visite.
En 1848, sept loges relevant du Suprême Conseil décident de se séparer de lui, lui reprochant une attitude trop conservatrice sur le plan politique. C’est ainsi que naît la Grande Loge Nationale de France, tentative éphémère destinée à donner à la Maçonnerie française un caractère plus républicain. Accusée de s’ingérer dans les affaires politiques, cette nouvelle obédience est interdite dès le 2 janvier 1851, par un arrêt du préfet de police.
Le 11 janvier 1869, un décret de Napoléon III nomme le maréchal Magnan Grand Maître du Grand Orient de France. Le maréchal s’empresse de sommer le Suprême Conseil à s’intégrer immédiatement sous son autorité. Le Suprême Conseil ne répond pas. Magnan renouvelle à trois reprises sa sommation et finit par l’assortir de menaces. Le 25 mars, le Grand Commandeur du Suprême Conseil, l’énergique octogénaire Guillaume Viennet, se décide à répondre au nouveau Grand Maître : «  Je vous déclare que je ne me rendrai pas à votre appel et que je regarde votre arrêté comme non avenu. Le décret impérial qui vous a nommé Grand Maître du Grand Orient de France, c’est-à-dire d’un rite maçonnique qui existe seulement depuis 1773, ne vous a point soumis l’ancienne Maçonnerie, qui date de 1723. Vous n’êtes pas, en un mot, comme vous le prétendez, Grand Maître de l’Ordre maçonnique en France, et vous n’avez aucun pouvoir à exercer à l’égard du Suprême Conseil de France que j’ai l’honneur de présider. »
Le Suprême Conseil ne sera pas dissous, comme l’en menaçait le maréchal, mais l’Empire va considérer désormais l’Ecossisme (c’est-à-dire l’ensemble des « frères » dépendant du Suprême Conseil) comme un corps maçonnique qui lui est hostile.
Cependant, certaines loges écossaises qui relèvent du Suprême Conseil tentent de regagner leur indépendance. En 1868, en 1873, en 1879, plusieurs d’entre elles, qui ont voulu affirmer leur autonomie, sont rejetées par le Suprême Conseil. Finalement, en 1880, douze loges révoltées se regroupent pour former la Grande Loge Symbolique Ecossaise. Très vite, d’autres loges écossaises les rejoignent. Elles sont finalement trente-six lorsque le Suprême Conseil, conscient de l’importance du schisme, se décide à négocier.

XV Le Grand Orient,  ravi de cette dissidence qui affecte l’obédience rivale, reconnait officiellement le 16 octobre 1880 la Grande Loge Symbolique Ecossaise. En 1881, il va plus loin encore et désigne une commission de sept membre chargée de négocier la réunification de la Maçonnerie française au sein du Grand Orient Symbolique et d’un Suprême Conseil distincts et indépendants l’un de l’autre. Cette initiative restera sans suite.

Pourtant, un semblant d’accord général intervient en 1886, lorsque le Grand Orient, la Grande Loge Symbolique Ecossaise et le Suprême Conseil s’entendent pour échanger les noms des frères exclus ou radiés et ceux des profanes qui ont été refusé à l’initiation.

XVI La  naissance de la Grande Loge de France


Tandis que le Grand Orient poursuit ses efforts de réunification, une nouvelle obédience voit le jour. Femme de lettres et militante féministe, Maria Deraismes, qui a été initiée irrégulièrement par la loge du Pecq du Brand Orient, fonde en 1893 à Paris l’obédience mixte du Droit Humain.
Il y aura désormais en France un corps maçonnique au sein duquel des hommes et des femmes pourront travailler en loge côte à côte.
De son côté, le Suprême Conseil de France finit par admettre les revendications d’autonomie des ateliers qui ont rejoint la Grande Loge symbolique et, le 7 novembre 1894, il accepte le principe de l’indépendance des loges écossaises qui sont encore sous son autorité. Il faudra deux années pour apurer les comptes financiers et clarifier la situation. Finalement, la fusion des deux fédérations écossaises va aboutir en 1897 à la naissance de la Grande Loge de France. Elle regroupe immédiatement les trente-six loges de la Grande Loge Symbolique Ecossaise  et les soixante loges qui étaient demeurées dans l’obédience du Suprême Conseil.
C’est le frère Guillemaud, député de la loge « l’Union des Peuples » qui devient le premier Grand Maître de la Grande Loge de France.
En 1907, un atelier de la nouvelle obédience, « La Jérusalem Ecossaise », obtient l’autorisation de constituer une loge féminine d’adoption (c’est-à-dire greffée sur une loge masculine). Cette initiative aboutira plus tard à la naissance de la première obédience féminine, la Grande Loge Féminine de France. L’opération se fera en deux temps : on assistera d’abord à la fédération des loges d’adoption créées en marge de la Grande Loge de France, puis, après la Seconde Guerre mondiale, cette fédération réclamera son autonomie par rapport à la Maçonnerie masculine.
XVII Sauvée en 1937, la Maçonnerie est dissoute en 1940

Le pluralisme de la Maçonnerie française s’accentue encore en 1913, lorsque la loge « Le Centre des Amis » suivie par un atelier de Bordeaux, décide de se séparer du Grand Orient et donne naissance à la Grande Loge Nationale Indépendante et Régulière pour la France et les Colonies françaises.
Cette nouvelle obédience, qui sera finalement la seule en France à être reconnue, comme régulière par la Grande Loge Unie d’Angleterre, conservera pendant une cinquantaine d’années une activité des plus réduites.
Les interventions de plus en plus fréquentes du Grand Orient et de la Grande Loge dans les controverses politques provoquent en 1933 et 1934 un réveil brutal des campagnes antimaçonniques. A Paris, une maison d’édition catholique publie en deux volumes un répertoire de plusieurs milliers de noms de francs –maçons appartenant presque tous à la Grande Loge. On y relève notamment les noms de Pierre Brossolette, de Francis Casadessus, de Jean Cassou, de Jacques Chabannes, de Camille Chautemps, de Louis Louis-Dreyfus, du chansonnier Gabriello, de Robert Lazurick, de Gaston Monnerville, de Jean-Michel Renaitour, d’Emile Schreiber, de Jean Zay, de Pierre Dac, du comédien Harry Baur, du magistrat Mornet,  de l’aviateur Sadi-Lecointe, de Robert Schreiber, etc.
En décembre 1935, les députés de droite Philippe Henriot, Xavier Vallat et René Dommange déposent au cours de la discussion du projet de loi visant les milices privées et les groupes de combat un amendement visant à interdire la Franc-Maçonnerie. Cet amendement est finalement repoussé par 417 voix contre 104. Il est intéressant de noter aujourd’hui que, parmi les députés qui, ce jour-là, ont sauvé la Maçonnerie française, figuraient Vincent Auriol, Léon Blum, Pierre Cot, Edouard Daladier, Marcel Déat, Jacques Doriot, Pierre-Etienne Flandin, Edouard Herriot, Georges Mandel, Pierre Mendès- France, jean Mistler, Jules Moch, Gabriel Pari, Paul Ramadier, Charles Spinasse, Maurice Thorez et jean Zay.
Ce n’est que partie remise. La guerre et la défaite amènent l’effondrement de la IIIe République. Le 13 août 1940, le maréchal Pétain devenu chef de l’Etat français, prend la décision d’interdire toutes les sociétés secrètes. Le 19 août, il signe le décret de dissolution du Grand Orient de France et de la Grande Loge. Toutes les autres obédiences subiront le même sort le 27 février 1941.
Les dignitaires de la Maçonnerie avaient prévu cette mesure. Le 7 août, croyant conjurer le danger les « frères » Arthur Groussier et Louis Vilalrd avaient écrit au Maréchal pour lui faire savoir que, de leur propre initiative, le Grand Orient de France et toutes les loges avaient cessé leurs activités. Mais cette démarche n’avait pas empêché la dissolution.
Sur proposition de l’amiral Darlan (fils d’un franc-maçon) et du ministre Pierre Pucheu, il est décidé que les noms des dignitaires des obédiences dissoutes seront publiés au Journal Officiel, que l’accès à certaines fonctions publiques et l’exercice de certains mandats politiques leur seront interdits. malgré les apparences,, Pierre Laval, qui a toujours entretenu avant la guerre d’excellentes relations avec la loge d’Aubervilliers, est personnellement hostile aux mesures prises conte la Maçonnerie : il multiplie les interventions personnelles pour reclasser les francs-maçons mis à la porte de l’administration et tenter de sauver ceux qui ont  été arrêtés.
En France occupée, des expositions antimaçonniques sont organisées ; des films sont tournés qui dénoncent l’activité des sociétés secrètes.




XVIII   Du côté de la France libre, le général de Gaulle s’abstient jusqu’en 1943 de prendre position sur le problème de la Maçonnerie. Après l’arrivée à Alger du Grand Maître Michel Dumesnil de Gramont, désigné pour représenter le mouvement Libération-Sud à l’Assemblée consultative provisoire, et après l’intervention à la tribune du syndicaliste Yvon Morandat (qui deviendra franc-maçon par la suite) le général finit par déclarer : Nous n’avons jamais reconnu les lois d’exception de Vichy. En conséquence, la Franc-Maçonnerie n’a jamais cessé d’exister en France. »

A Paris, une réunion se tient le 3 août 1943 dans un bureau de la mairie du XVIIIe arrondissement. On y parle de l’avenir de la Maçonnerie et d’une possible réunification de l’Ordre lorsque la guerre sera terminée. Le Grand Orient, la Grande Loge, le Suprême Conseil (qui administre les hauts grades de l’Ecossisme) et le Grand Collège des Rites (qui administre les hauts grades du Grand Orient) y participent. Un comité d’initiative est mis en place, dans lequel siègent les « frères » Soubret, Virmaud et Baylot pour le Grand Orient, Cauwel et Buisson pour la Grande Loge, Corneloup pour le Grand Collège des Rites, Riandey et Marsaudon pour le Suprême Conseil. Ce comité décide que, lorsque la France sera libérée, le réveil de la Franc-Maçonnerie se fera sous la forme de loges provisoires qui procèderont à la réintégration de leurs membres après enquête sur leur attitude pendant l’Occupation. Il est également prévu que les députés des loges ainsi reconstituées se réuniront ensuite en convents parallèles, qui s’efforceront d’élire un directoire unique chargé d’assurer la fusion du Grand orient et de la Grande Loge.
Peu après la Libération de Paris, les premières circulaires adressées aux ateliers par les membres du conseil fédéral de la Grand Loge portent le titre commun de « Franc-Maçonnerie de France ». L’unité est-elle définitivement refaite ? Certains le croient, d’autres se contentent encore de l’espérer.
Hélas ! Il suffit de trois mois de négociations pour tout remettre en question. Le 1er janvier 1945, le vieux maçon Arthur Groussier, doyen du parti socialiste, écrit à Corneloup que l’opération de réunification lui parait bien compromise. Le Suprême Conseil et la Grande Loge font en effet remarquer que ceux de leurs membres qui ont siégé pendant l’Occupation au comité d’initiative n’étaient pas dûment mandatés et n’ont donc engagé qu’eux-mêmes.
Finalement, en septembre 1945, le convent de la Grande Loge de France, se prononce à l’unanimité contre tout projet de fusion avec le Grand Orient.
L’obédience de la rue Puteaux (c’est –à-dire la Grande Loge) est à partir de ce moment fort préoccupée de se faire reconnaître par la Grande Loge Uni d’Angleterre. Elle s’éloigne en conséquence du Grand Orient, et, en 1955, le Grand Maître Louis Doignon envisage une fusion avec la Grande Loge Nationale Française (dont le siège se trouve boulevard Bineau à Neuilly). Il adresse une circulaire dans ce sens aux ateliers de la Grande Loge de France. Mais son projet est dénoncé ouvertement par plusieurs vénérables comme une véritable abdication. Les réactions sont même si violentes que Doignon est contraint d’avertir les loges qu’il retire de la discussion la circulaire qu’il leur a adressée.
Le grand commandeur Corneloup révélera plus tard qu’un haut dignitaire de la Grande Loge Unie d’Angleterre, le révérend Naylor, important ecclésiastique de l’Eglise anglicane, était venu spécialement de Londres à Neuilly, au siège de la Grande Loge Nationale Française pour superviser le projet de fusion. Corneloup était alors tenu au courant par un membre de sa loge, chef de réception au Grand Hôtel, à Paris, auquel un maçon de la Grande Loge Nationale faisait ses confidences sur les négociations en cours sans même savoir que son interlocuteur appartenait au Grand Orient de France !



XIX LA MORT DU Grand Maître Antonio Coen, en 1956, et l’arrivée de l’avocat Richard Dupuy à la tête de la Grande Loge de France, qu’il marquera de sa personnalité pendant vingt ans, changent brusquement les données du problème. Le nouveau Grand Maître souhaite vivement un rapprochement entre son obédience et le Grand Orient. Le 20 décembre 1958, sur son initiative, la Grande Loge de France propose au Grand Orient et à la Grande Loge Nationale Française de constituer ensemble un Grand Conseil des Grandes Loges Unies de France. Mais, une fois encore, la tentative de réunification échouera : le Grand Orient, considérant que ce projet ne respecte pas suffisamment le principe de la liberté absolue de conscience, ne soumettra même pas cette proposition à ses loges.


A la place du rapprochement souhaité, on assiste bientôt à un nouvel  éclatement ; uns scission se produit au sein de la Grande Loge Nationale Française (Neuilly). Le « frère » Ribaucourt et l’éditeur Foucauld prétendent que l’Intelligence Service contrôle l’obédience du boulevard Bineau, et que la majorité des membres de cette puissance maçonnique sont des citoyens anglais et américains. Ils fondent alors une nouvelle Grand Loge, que l’on appellera vite la Grand Loge Nationale (Opéra) en raison du lieu ù se trouve son siège-Avenue de l’Opéra.
Pour aggraver encore l’était de division de la Maçonnerie française, la Grande Loge de France décide le 19 septembre 1959, de rompre toutes relations avec le Grand Orient. Dans le même temps, sous la pression de la Grande Loge unie d’Angleterrre, qui a durci sa position à l’égard des obédiences jugées par elle irrégulières, la Grande Loge Nationale Française s’éloigne, elle aussi, de la Grande Loge de France.
Au convent de 1960 de cette dernière obédience, le Grand Maître Doignon reproche au Grand Orient de s’écarter de plus en plus des voies initiatiques et de vouloir ainsi jeter ses membres dans le combat politique en multipliant les avances aux Etats communistes, qui ont pourtant interdit chez eux toutes les activités maçonniques.
En 1962, il devient évident qu’un drame se prépare rue Puteaux (siège de la Grande Loge de France). Le Suprême Conseil oriente en effet toutes ses initiatives en direction du boulevard Bineau, alors que la Grande Loge, de toute évidence, souhaite renouer avec la rue Cadet (le Grand Orient). La crise éclatera lorsque, dans le sillage du Grand Commandeur Charles Riandeu, une partie du Suprême Conseil de France passera avec armes et bagages à Bineau.
Petite à petit, la crise sera surmontée. Sous l’impulsion des nouveaux Grands Commandeurs e la rue Puteaux, Henri Bittard, puis le magistrat Alexis Zoussmann, un nouveau Suprême Conseil se constituera.
Depuis, sous la direction des Grands Maîtres Richard Dupuy et Pierre Simon pour laGrande Loge, Jean-Pierre Prouteau et Serge Béhar pour le Grand Orient de France, les maçons de la rue Cadet et ceux de la rue Puteaux se rapprochent très nettement, et sans doute verra-t-on dans les années qui viennent les deux obédiences françaises les plus importantes par le nombre, tout en maintenant leur indépendance organique, constituer à l’imitation de l’Allemagne fédérale une confédération unitaire des puissances maçonniques françaises.
Prévoir cette échéance suffit à provoquer les protestations de la Grande Loge Nationale Française (Neuilly), laquelle, depuis des années, inonde la presse française de communiqués et de mises au point destinés à rappeler qu’elle est la seule obédience reconnue par la Maçonnerie anglo-saxonne. Ce qui est vrai.
Il n’en demeure pas moins, que sur un total d’environ 60 000 francs-maçons français, cette obédience « régulière » n’en regroupe que 4 700
 Certes, en matière initiatique, le nombre ne fait pas la valeur. Il conditionne malgré tout la représentativité !

Loys Dechamp

XVIII Les titres des Loges

Ce sont les sept maîtres fondateurs d’une nouvelle loge qui, en adressant à l’obédience la demande de patente, proposent le titre distinctif qu’ils ont choisi. L’autorité de l’obédience peut le refuser et en suggérer un autre.
A l’origine, les premières loges spéculatives créées en France se voulurent  respectueuses de la tradition christique. Elles furent même à l’occasion, ouvertement catholiques. Elles s’appelaient « Saint-Thomas au Louis d’Argent », « Saint-Louis et la Gloire », « Saint-Jean de Jérusalem », etc.
Plus tard, les loges choisirent pour titres des noms de vertus : « La Vraye Espérance », « la Parfaite Union », « Amitié et Fraternité ».
Sous l’influence de Jean-Jacques Rousseau et des Encyclopédistes, la Maçonnerie française connut ensuite les loges du « Contrat Social », de «  l’Egalité », de « l’Ecole des Mœurs ».
Puis vinrent la Révolution et l’Empire : ce fut l’époque des « Citoyens Réunis », de « Saint Napoléon », du « Grand Sphinx » (en souvenir de la campagne d’Egypte), de « l’Impériale des Francs Chevaliers », des « Elèves de Mars et de Neptune » (à Toulon).
La IIIe et la IVe République donnèrent naissance à des noms souvent plus engagés : « les Droits de l’Homme », « la Libre Pensée », « la Fraternité des Peuples », « Philosophie Positive », « l’Internationale », « l’Union des Peuples », « les Hospitaliers Socialistes », « Les Amitiés Internationales », «  Tradition Jacobine » etc.
Plus édifiante encore est la liste des hommes célèbres, francs-maçons ou non, auxquels les obédiences françaises ont voulu rendre hommage en faisant d’eux les parrains de leurs loges. Parmi les loges actuelles du Grand Orient de France, on trouve ainsi : Alain, Etienne Marcel, Montaigne, Franklin Roosvelt, Shakespeare, Pierre Brossolette, Saint-Just, Voltaire, Mozart, Salvador Allende, Aristide Briand, Emmanuel Arago, Anatole France, Jean-Jacques Rousseau.
Pour la Grande Loge de France, on peut citer entre autres : Goethe, Emile Zola, Francisco Ferrer, Denis Papin, Léonard de Vinci, Auguste Comte, Diderot, Jean Jaurès, Guillaume Tell, le général Peigné, Anatole France, Marcel Sembat, Roger Salengro, l’abbé Grégoire.
Cette habitude de donner aux loges des noms de personnages laïques célèbres est une mode assez récente. Si l’on se réfère au tableau des loges françaises de 1795, on n’y trouve que la loge « Caroline-Louise, reine de Naples » (fondée en 177), la loge « Henri IV » (fondée en 1772) et la loge « Catherine II » (1780). Mais, aujourd’hui, la Maçonnerie rattrape le temps perdu !